MOTÖRHEAD: Clean Your Clock (2016)

Ce pack DVD plus CD propose un aperçu de deux shows joués à Munich les 20 et 21 novembre 2015. Bien sûr, il ne s’agit pas du dernier concert du groupe mais de sa dernière prestation filmée, ce qui confère tout de même à l’ensemble une certaine solennité. Au début du film, on voit les murs d’amplis, le matériel, les roadies qui s’affairent et l’entrée du public venu voir la légende du hard rock. Les lumières s’éteignent, des sirènes sinistres retentissent et la célèbre carcasse de bombardier apparaît. Le show démarre sur une version de « Bomber » satisfaisante quoique plus ralentie que l’original. Lemmy, amaigri et affaibli, assure comme à son habitude même si sa voix trahit son âge et sa fatigue. Phil Campbell est impérial à la guitare et Mikkey Dee cogne comme un fou. La salle, entièrement acquise à la cause de Motörhead, hurle son contentement. Lemmy esquisse un pâle sourire et enchaîne sur « Stay clean » qui cartonne bien. Bougeant peu, il ne lamine plus sa basse comme à la grande époque mais il la caresse doucement, ce qui ne l’empêche pas d’envoyer son traditionnel solo. Juste avant le sombre et menaçant « Metropolis », Lemmy s’adresse au public et lui dit que c’est bon de revenir. Puis c’est un nouveau titre qui vient étoffer le répertoire de Motörhead avec « When The Sky Comes Looking For You », un bon rock au tempo soutenu. Phil Campbell exhorte les spectateurs à gueuler et Lemmy les fait recommencer juste avant une bonne version d’ « Over The Top ». On a ensuite droit à une sympathique démonstration en solo de Phil Campbell et à un « The Chase Is Better Than The Catch » correctement envoyé, suivi du lent et heavy « Lost Woman Blues ». Lemmy annonce une vieille chanson, « Rock It », saluée par le public. Ce titre dépote honnêtement juste avant « Orgasmatron » et « Doctor Rock » que Lemmy dédie à Phil « Animal » Taylor qui vient de décéder quelques jours auparavant. Sur « Just ‘cos You Got The Power », Lemmy semble éprouver quelques difficultés à chanter mais il s’en tire sans trop de casse. Puis il annonce « No Class », un poil ralenti mais qui déclenche toujours la folie dans le public. Lemmy a un peu de mal dans les aigus mais il assure tout de même vaillamment. Par contre, « Ace Of Spades » tape toujours aussi fort. Une surprise agréable arrive avec le morceau acoustique « Whorehouse Blues ». Deux guitares sèches grattées par Phil Campbell et Mikkey Dee (qui anime en même temps une pédale de charleston) et Lemmy qui se fend d’un petit air d’harmonica. Le concert se termine avec un « Overkill » dantesque. Par moments, Lemmy semble perdu et avoir du mal à reprendre son souffle mais, dans la lumière blanche, il ressemble à un dieu inamovible. Á la fin du morceau, il épaule sa basse comme un fusil et mitraille les premiers rangs comme au bon vieux temps. Lemmy remercie le public et le trio salue la foule en délire avant de s’éclipser sous les mouvements inquiétants du bombardier en ferraille. Encore un show carré de Motörhead. Un de plus. Qui pouvait se douter que la fin était aussi proche ? Bien sûr, on voit nettement sur les gros plans qu’il est mal en point mais personne n’a dû s’en apercevoir dans la salle. En fait, il a donné le change jusqu’au bout. Il a gardé la tête haute et n’a jamais déçu son public. C’est tout ce qui compte. En bonus, on a droit à une interview de Lemmy, entrecoupée de divers témoignages de quelques musiciens de hard rock (les nanas de Girlschool et le chanteur de Saxon Biff Byford). La production propose également quelques extraits de concerts de 2013 et 2014 où il apparaît nettement plus en forme, ce qui démontre sans concessions la rapidité de son déclin d’une année sur l’autre. Lemmy répond aux questions d’une voix de vieillard, une cigarette fichée entre ses doigts tremblants et décharnés. Il apparaît comme un vieil homme fragile mais aussi comme un monument du rock, une figure légendaire qui impose le respect. On le sent très fatigué et, avec son chapeau vissé sur la tête, il ressemble à un vieux cowboy prêt pour sa dernière chevauchée. Mais quand il sourit, son regard s’illumine comme s’il avait vingt ans. L’image se fige, vire au noir et blanc et ses dates de naissance et de décès s’inscrivent en dessous de son visage. 24 décembre 1945-28 décembre 2015. Soixante dix ans. Pas mal pour un mec qui a vécu de quoi remplir une dizaine de vies. On peut appréhender ce DVD de différentes manières. On peut y voir une opération commerciale et bassement mercantile, jouant sur la sensibilité des fans, ou bien le dernier témoignage d’un homme qui a tout donné à son public et à son cher rock'n’roll. Au cours de toutes ces décennies noyées sous un déluge de décibels, de drogue et d’alcool, Lemmy est resté droit dans ses bottes sans jamais renier son intégrité. Il n’a jamais trahi. Il n’a jamais déçu. Il est resté fidèle à lui-même. Mais surtout, avec son groupe mythique, il a fait vibrer l’existence de millions de gens. En écoutant Motörhead, certains se rappelleront avec nostalgie leurs années de lycée ou de fac. D’autres se rappelleront l’armée, leur premier boulot ou leur premier amour. Pour l’éternité, Lemmy restera un personnage incontournable du Rock. Né pour perdre, il a vécu comme un gagnant. Il a joué sa musique. Et puis… il est parti.

Born to lose, live to win !

Olivier Aubry